Triple succès pour la France

7/4/1947

Belle journée que la veille de Pâques à la Conférence de Moscou, puisqu'elle représente un triple succès français.

Les Quatre avaient à leur ordre du jour la question des administrations centrales allemandes que l'on doit créer dans le domaine des finances, des industries, des transports et communications, du ravitaillement et de l'agriculture pour assister le Conseil Interallié de Contrôle.

Malgré l'accord de principe sur la création de ces administrations centrales que la France avait donné depuis longtemps, on nous avait parfois accusé de bloquer leur création. Nous tenions simplement à trois conditions :

1° que ces administrations en soient pas en situation d'imposer, en quelque sorte, leur arbitrage au Conseil de Contrôle ;

2° qu'elles ne préjugent pas, par leur composition, le statut politique futur de l'Allemagne ;

3° qu'elles n'aient pas autorité en Sarre, et que leur institution ne signifie pas un abandon de nos thèses sur la Ruhr et la Rhénanie.

Notre volonté de ne pas bloquer cette création, nous l'avons montrée en leur présentant des projets successifs jusqu'à ce que nous en trouvions un qui, tout en nous assurant ces trois garanties nécessaires, soit susceptible d'obtenir l'agrément de nos alliés. Cette persévérance est récompensée.

En effet, c'est en fin de compte un projet français qui permettra la création des ces administrations centrales que certains esprits peu bienveillants nous accusent d'empêcher.

Les Quatre sont tombés d'accord sur la rédaction même des deux premiers paragraphes du texte proposé par M. Georges Bidault. Ces deux paragraphes limitent nettement la compétence des administrations centrales allemandes.

Second point de satisfaction. Anglais et Américains ont admis que celles-ci n'aient pas une forme unitaire qui empêchent dans l'avenir une organisation fédérative de l'Allemagne. C'est de la part de nos alliés anglo-saxons une concession, car leurs propres projets ne nous donnaient pas cette garantie. Quant à M. Molotov, il a demandé à réfléchir.

Enfin, Anglais et Américains ont expressément admis que ces administrations centrales n'aient pas autorité en Sarre. Pour la Ruhr et la Rhénanie, ils acceptent que figure, comme une réserve émise par la France, le fait que la création de ces institutions ne préjuge pas le régime futur de ces deux régions.

En ce qui concerne la Sarre, M. Molotov n'a pas non plus donné son accord. Veut-il garder entière la question de la Sarre, comme un pion de réserve sur son échiquier ?

Tel est vraiment le point central de cette journée dont l'atmosphère fut excellente. On sentait un véritable effort pour trouver une formule d'entente. Sans doute, la même condition suspensive persiste-t-elle toujours : aucun de ces accords n'aura de valeur effective tant qu'on ne se sera pas entendu sur la grande trilogie, - réparations, unité économique, niveau industriel. Mais la journée n'en a pas moins marqué un rebondissement de la Conférence.